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Banque Mondiale | Système des subventions énergétiques : Résoudre la crise macro-fiscale par la réforme

 

L’institution de « Bretton Woods » estime que la suppression progressive des subventions énergétiques peut contribuer à résoudre la crise macro-fiscale, à améliorer la viabilité financière des entreprises publiques et à stimuler la transition verte.

La Banque mondiale vient de publier hier l’édition Printemps 2023 du Rapport de suivi de la situation économique de la Tunisie. Intitulé «Réformer les subventions à l’énergie pour une Tunisie plus durable», le document comporte deux parties principales.

La partie A analyse les répercussions de la hausse mondiale des prix des marchandises sur l’économie du pays. Cette augmentation a accru le déficit commercial, passant à son tour de 10,2 % du PIB à 15 % en 2022, à l’heure où la part de l’énergie et des aliments représente 69 % du déficit. L’inflation mondiale a, quant à elle, entraîné une hausse des subventions accordées aux consommateurs, particulièrement dans le domaine de l’énergie, exerçant ainsi une pression sur le budget et la dette publique. Disposant d’un accès limité au financement international, la Banque centrale de Tunisie a continué de refinancer le secteur bancaire national par l’achat d’obligations du Trésor. Le financement local de la dette reste préoccupant et l’inflation a atteint son plus haut niveau depuis 30 ans, en raison toujours de la hausse mondiale des prix.

Quant à la partie B, elle insiste sur l’importance de réformer les subventions à l’énergie, de plus en plus coûteuses pour la Tunisie. Le document estime que réformer le système des subventions énergétiques pourrait aider à réduire les coûts fiscaux, rationaliser les importations, améliorer la viabilité financière des entreprises publiques et stimuler la transition verte.

Réformer pour une économie durable

La flambée des prix mondiaux de l’énergie a placé les subventions énergétiques de la Tunisie sous pression, car la plupart des prix des carburants, de l’électricité, du gaz et du gaz de pétrole liquéfié (GPL) continuent d’être inférieurs aux coûts de recouvrement. Ce système de subventions est devenu de plus en plus coûteux à maintenir pour la Tunisie, compromettant la viabilité macro-fiscale et mettant sous pression le déficit commercial, à un moment où les prix internationaux de l’énergie sont élevés. Sur la période 2011–2021, la subvention a représenté en moyenne 2,1% du PIB et a bondi à 5,3 du PIB en 2022. Le système de subvention a également créé d’importants défis financiers pour les entreprises publiques du secteur de l’énergie, la Stir et la Steg, car l’Etat est de moins en moins en mesure de mobiliser les ressources nécessaires pour couvrir leurs pertes. Ces difficultés financières ont entravé la capacité des entreprises publiques à planifier et à investir pour garantir la sécurité de l’approvisionnement énergétique. En affectant la viabilité financière de la Steg et en maintenant les prix de l’énergie artificiellement bas, les subventions nuisent également à la transition verte.

A cet égard, la suppression progressive des subventions énergétiques peut contribuer à résoudre la crise macro-fiscale, à améliorer la viabilité financière des entreprises publiques et à stimuler la transition verte.

Quels impacts sur les ménages les plus vulnérables ?

Il est toutefois essentiel d’envisager des mesures de mitigation de l’impact de la réforme sur les ménages les plus vulnérables. Hormis les subventions aux carburants, qui profitent principalement aux ménages les plus riches, les autres subventions énergétiques profitent également aux ménages à plus faibles revenus. Un mix de hausse des tarifs et de distribution des transferts cash pourrait aider à neutraliser les coûts de transition pour les ménages à faibles revenus. En outre, accompagner les réformes des subventions de programmes pour aider les entreprises et les ménages à investir dans l’efficacité énergétique et l’autoproduction peut contribuer à maîtriser la pression inflationniste sur les ménages et les entreprises, et à maintenir la compétitivité des entreprises tout en soutenant la transition verte. La restructuration financière et la modernisation des entreprises publiques seraient des compléments essentiels aux réformes des subventions pour leur permettre de rétablir leur viabilité financière.

63% du total des subventions

Les produits énergétiques sont subventionnés à différents degrés en fonction de la politique gouvernementale et des prix internationaux de l’énergie. Si la composition des subventions énergétiques entre les produits a varié au fil des ans, les produits pétroliers ont généralement représenté la majorité des subventions. En 2021, ils représentaient 63% du total des subventions, le reste étant alloué à l’électricité et au gaz naturel. Malgré leur part dominante, les produits pétroliers (à l’exception du GPL) sont généralement moins subventionnés — en proportion du coût— que l’électricité et le gaz naturel. En 2021, lorsque le prix du Brent était de 70 USD, environ 15% du prix du carburant était subventionné contre 30 à 40% pour l’électricité et le gaz naturel. Le GPL à usage domestique est le plus subventionné, à 70%.

Ce régime de subventions est devenu de plus en plus coûteux à supporter et à maintenir pour la Tunisie, compromettant la viabilité macro-fiscale et alourdissant le déficit commercial, en particulier lorsque les prix internationaux de l’énergie sont élevés.

15% des dépenses publiques

Les subventions énergétiques ont constitué une dépense importante dans le budget de la Tunisie, représentant en moyenne 6,4% des dépenses publiques et 2,14% du PIB sur la période 2011–2021. Mais la récente augmentation des prix mondiaux des produits de base a fait grimper les subventions énergétiques, qui ont représenté 5,3% du PIB en 2022 et 15% des dépenses publiques, confirmant la forte corrélation des subventions avec le prix international du pétrole et le taux de change et soulignant la dépendance croissante de la Tunisie vis-à-vis des importations d’énergie. Alors qu’en 2010, 7% seulement des importations permettaient au pays de répondre à sa demande d’énergie, en 2022, les importations ont représenté 50% de la demande. Cela se traduit par une facture d’importation d’énergie de 15 milliards de dinars, soit 10,3% du PIB, qui explique la plus grande partie de l’augmentation du déficit du compte courant en 2022. Pour sa part, le gouvernement estime que les subventions à l’énergie devraient diminuer de 26% en 2023, grâce à des prix internationaux plus favorables et à des ajustements tarifaires, alors qu’elles représenteraient encore 5,7 milliards de dinars (soit 3,5% du PIB). Mais les fortes fluctuations du prix international du pétrole et la dépréciation du dinar font que les subventions réelles sont bien plus élevées que les subventions budgétisées sur la base des projections initiales du prix du carburant et du taux de change, comme ce fut le cas en 2022. Et avec une marge de manœuvre budgétaire de plus en plus étroite, le gouvernement a rencontré depuis plusieurs années des difficultés à combler ces écarts, ce qui a entraîné des déficits financiers et un endettement accru des entreprises publiques absorbant le coût des subventions non versées.

Des risques d’insolvabilité croissants

La Steg, par exemple, connaît des déficits financiers depuis 2011. En 2021, son déficit comptable s’élevait à 377 millions de dinars, mais son déficit réel aurait été plus élevé sans les 2,9 milliards de dinars de prêts à court terme et les retards de paiement aux fournisseurs. On s’attend à ce que le déficit financier et la dette augmentent encore plus en 2022 étant donné la flambée du prix international du pétrole. Ces stratégies de couverture des besoins financiers sont coûteuses à la fois pour les entreprises publiques — car les prêts à court terme sont chers — et pour les fournisseurs, dont la trésorerie reste incertaine. Les déficits grandissants et la difficulté à contrôler les risques liés aux coûts réduisent la capacité des entreprises publiques à planifier et à investir pour garantir la sécurité de l’approvisionnement énergétique, alors que la viabilité financière des entreprises étatiques liées à l’énergie est non seulement fondamentale pour maintenir la viabilité des finances publiques, mais elle est également essentielle pour assurer la viabilité des secteurs. La Steg en est un bon exemple. La profonde crise financière que traverse la société en raison de la difficulté de l’État à couvrir les pertes liées aux subventions, y compris les contraintes de liquidité et les risques d’insolvabilité croissants, compromet sa capacité à investir. Cette situation peut à son tour compromettre sa capacité à assurer un approvisionnement fiable du pays en électricité à l’heure où la consommation d’électricité a augmenté à un rythme élevé, avec une augmentation moyenne de 3% par an entre 2010 et 2021.

La plus faible production en renouvelable

Les risques associés à la viabilité financière de la Steg et le maintien des prix de l’énergie à un niveau artificiellement bas et les subventions nuisent également à la transition verte. Dans le cas des investissements privés dans les énergies renouvelables, la Steg est à la fois acheteur d’électricité et chargée d’intégrer les énergies renouvelables dans le réseau de transport. Sa crise financière compromet donc sa capacité à acheter de l’électricité à des producteurs indépendants produisant des énergies renouvelables. En outre, les faibles prix de l’électricité associés aux subventions énergétiques réduisent directement les incitations privées à investir dans les énergies renouvelables. En effet, pour les auto-producteurs, les économies réalisées grâce à la production d’énergie renouvelable sont proportionnelles aux prix en vigueur. En partie à cause de ces facteurs dissuasifs, la croissance de la production tunisienne en renouvelable est restée timide. En 2021, la Tunisie faisait partie des pays où la part des énergies renouvelables dans la production d’électricité était la plus faible, enregistrant très peu de progrès au cours de la dernière décennie, contrairement à des pays aux conditions géo-climatiques similaires comme le Maroc, la Jordanie, la Turquie ou le Kenya. Pour des raisons similaires, les faibles prix des carburants ont également étouffé les investissements dans les technologies économes en énergie et respectueuses de l’environnement, notamment dans les secteurs du transport, du bâtiment et de l’industrie, compromettant ainsi la transition verte globale de la Tunisie.

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